Stéphane (ci-dessus, son programme de la journée !) vient de mettre en ligne un home-made teaser qui donne une idée des différents niveaux que nous avons déjà développés (vers la fin du teaser, le niveau des "newtopies", que nous attaquions il y a un an déjà au Chalet Mauriac)(nostalgique en ce moment de cette résidence landaise, un salut particulier ici à Ecla et à Aimée Ardouin).
Le Journal du brise-lames est un FPS littéraire : le lecteur évolue en caméra subjective dans un environnement virtuel où lire/voyager fait gagner des points de vie. C’est donc un jeu vidéo d’un nouveau genre. Il n’est pas question ici de tuer des zombies (quoique, on y songe) mais plutôt d’arpenter un paysage, contempler, écouter ou lire des textes. Jouer aussi avec l’esthétique du jeu : donner à voir des images « mal finies », faire des barres de vie des barres de lecture, travailler l’esthétique du bug etc. Jouer aussi avec les codes du jeu, la navigation, les niveaux, le rapport particulier au temps pour créer une expérience d’écriture et de lecture inédite, entre les mondes du jeu-vidéo et de la littérature.
Le jeu vidéo est en cours de création mais fait déjà l’objet de performances. Juliette Mézenc lit tandis que Stéphane Gantelet arpente en direct les territoires numériques du Journal du brise-lames.
Préliminaires
On dirait que le brise-lames de Sète tient son journal.
On dirait que le brise-lames n’est pas une personne ni même un
personnage mais on dirait qu’il a une voix, non deux, plutôt
trois, on va dire : plusieurs voix.
On dirait que ces voix nous parviendraient à travers le rocher et
le béton. On dirait qu’elles nous arriveraient donc assourdies,
filtrées.
On dirait que le brise-lames a une peau, une peau qui pèse son
poids, vilaine et écaillée. On dirait qu’il a des yeux qui veillent,
balayent la nuit. Un intérieur aussi, un peu glauque comme le
sont les entrailles, suintant et qui rend des sons sourds,
caverneux. Avec des portes condamnées.
On dirait que dans sa peau circule de l’eau. On dirait que la
mer, il l’a dans la peau.
On dirait que, vu son âge, il n’a pas toute sa tête et on dirait que
c’est tant mieux. S’il divague. Que c’est dans sa nature.
C’est reposant d’écouter quelqu’un divaguer, du moment qu’on
en a pris son parti.
On dirait que personne n’a jamais enseigné au brise-lames ce
que sait tout collégien qui se respecte : à savoir la distinction
entre les quatre grands genres, théâtre, poésie, roman, essai. On
dirait qu’il s’en branle, en vérité.
On dirait que le brise-lames est inculte. On dirait que ses
lectures se cantonnent à Midi-Libre, et encore les dimanches
d’été quand les sétois l’abandonnent après une journée à
paresser sur le béton.
On dirait que le brise-lames ne ment pas même lorsqu’il
invente. On dirait qu’il ne raconte pas d’histoires, lui.
On dirait que le brise-lames est un contemplatif, que son
champ de vision en est comme élargi.
On dirait que le brise-lames voit, entend, sait tout dans le
périmètre délimité par la lumière de ses phares, la nuit.
On dirait qu’il veille, posté entre les eaux du port et les eaux de
la mer, entre la ville et la plaine marine.
On dirait que vous me suivrez les yeux ouverts.