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des nouvelles aux lycées Joliot-Curie (3)

Je mets aujourd’hui en ligne la nouvelle de Yoann Morales. Qu’on se le dise !


Aux limites du réel

Toujours ce même souvenir, toujours ce même cauchemar se concluant par un réveil en sursaut. Toujours cette même peur, cette même angoisse de se rendormir, mais sans pour autant vouloir rester éveillé… Wilson ne pourrait jamais oublier ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu. Toute l’horreur de cette guerre, cette image à jamais gravée dans sa mémoire. Celle de son ami de toujours, Robert, croulant sous le poids de la fatigue, et peut être aussi à cause de cette énorme trou béant, sur son flanc gauche. Son dernier cri : « Wilson ! Mon ami aide moi ! » Et lui, impuissant, voyant petit à petit l’âme de son frère de cœur, quitter ce corps où elle ne pouvait plus rester. Et tout ça, chaque nuit depuis son retour du maquis.
Wilson n’en pouvait plus. Non seulement cette guerre avait fait de lui un monstre, mais en plus elle l’avait désormais rendu insomniaque. Il fit donc comme il en avait désormais l’habitude. Il s’assit sur son lit, et tremblotant de peur, fit attention au moindre bruit, en priant que ce soir soit le bon. Que ce soir, cette chose ou bien cette punition, s’arrêterait. Mais cette nuit comme toutes les autres, un petit cliquetis commença. Petit à petit le bruit s’amplifia et se rapprocha peu à peu de la chambre de Wilson pour bientôt devenir un craquement lourd et sourd, tel un pas très appuyé. A cet instant précis, Wilson qui revivait cet instant chaque soir fit comme toutes les nuits : il cria, et, tout en fermant les yeux, courut hors de sa chambre, en prenant toujours ce même mur dans le couloir, aggravant ainsi cet énorme hématome sur son épaule gauche. Il rouvrit ensuite les yeux, et ferma à clef la porte intermédiaire séparant le couloir du salon. Une fois cette chose « ’enfermée », il essaya de se calmer, et de peut être dormir sur le canapé. Mais impossible ! Wilson regarda ensuite son horloge murale, et, à son grand désespoir, la trotteuse, ne trottait plus…

***

« Mais qu’est ce tu fais encore ? J’avais dit midi, pas une heure !
-  Oh ! Simon ,tu vas pas recommencer ! Tu sais très bien que le sommeil et moi, c’est une grande histoire d’amour ! Toute façon je ne vais pas être le seul en retard, Enzo aussi va être à la bourre… J’arrive dans cinq minutes !
-  Bon d’accord, ici tout le monde est arrivé, même Enzo, on n’attend plus que toi »
Et voila encore un bon week-end qui s’annonce. Pour peu qu’il fasse beau pensa Alexandre. Réveil difficile comme tous les samedi matins. Et à chaque fois le même réveil en fanfare. Le téléphone qui sonne, et Simon au bout du fil qui s’impatiente. Mais depuis le temps, autant Simon que lui, commençait à en avoir l’habitude. Il se leva donc difficilement, et, l’esprit encore dans les songes, s’approcha de la grande baie vitrée de son salon, pour voir le temps qu’il faisait. Et là, à son grand désespoir, comme le week-end dernier, le temps était couvert ,menaçant. En même temps, en plein automne, il ne fallait pas s’attendre à du 30° ciel dégagé se disait-il. Mais bon, de là à avoir un temps pourri depuis bientôt deux semaines. D’autant plus que pour accentuer le tout, cela faisait depuis bientôt un mois que les étourneaux sévissaient en ville. A peine les temps de crier « Merde ! », ou « Pousse-toi ! » que la personne devant toi, horrifiée, était victime d’un bombardement. Mais bon tant que ça ne me touche pas.
Une fois le rituel du « commentaire de temps » terminé, il fallait ensuite qu’il se prépare. Pas de déjeuner, vu qu’il était déjà une heure, et qu’Alex comme on le surnommait, devait rejoindre toute sa bande pour aller manger en ville. Il passa donc la vitesse supérieure et se dépêcha d’aller rejoindre Simon en ville.

***

Encore une nuit blanche. Wilson n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Au moins cette nuit, le téléphone n’avait pas sonné, avec cette respiration et ce cri au bout du fil. Le fait que cela ne s’était pas passé était une consolation pour lui. Désormais il faisait jour .Il devait faire l’impasse sur cette horrible nuit et commencer une journée normale. Wilson passa donc quelques vêtements à la hâte, mit son désormais légendaire chapeau, et commença à s’approcher de la porte d’entrée. Mais une fois encore, la curiosité s’empara de lui. Et s’il avait vraiment enfermé la « chose » dans son couloir ? Bientôt la curiosité s’empara totalement de lui lorsqu’il vit une ombre passer derrière les vitres martelées de la porte de son couloir. D’une main tremblotante, il s’empara de la clef sur la table du salon, et d’un pas lent et hésitant, il s’approcha de la porte. L’atmosphère était pesante, et ce n’était pas l’obscurité qui allait arranger les choses. Une fois devant la porte ,Wilson s’arrêta. Qu’allait -il se passer lorsqu’il allait introduire la clef dans la serrure ? Et s’il était plus raisonnable de quitter les lieux pour ne plus jamais y revenir ? Mais il ne pouvait pas partir sans savoir. Wilson approcha donc doucement la clef de la serrure, l’introduisit délicatement, quand soudain, la trotteuse se remit en route. C’ en était trop pour lui ! La panique s’empara de Wilson, qui fit directement demi-tour. Derrière lui un grand fracas se fit entendre, suivi d’un cri strident. Wilson courut vers sa porte d’entrée, en haletant. Paniqué, il prit les clefs, mais sous l’effet du stress, les fit tomber par terre. Il s’empressa de les ramasser, mais n’arriva pas à les introduire dans la serrure. Derrière lui un pas lourd se faisait entendre amplifiant la tremblote de Wilson. Il refit tomber ses clefs, et, horrifié, il essaya de défoncer la porte à coups de pieds. Mais celle-ci tint bon, et bientôt Wilson se retourna en pleurs pour affronter cette chose qui l’avait tant terrifié, et qui allait sans doute l’emporter avec elle…

***

Sur le chemin, le portable d’Alex sonna. Toujours un peu endormi, il le mit machinalement à son oreille en disant « Allô ? » d’une voix molle. Mais personne ne répondit au bout du fil. C’est alors qu’il se rendit compte qu’il venait de recevoir un texto de Simon disant :
« En fait laisse tomber on annule ! Tout à l’heure je t’avais raconté n’importe quoi pour te presser. Finalement tout le monde fait soit un truc, soit leurs devoirs… Donc si tu veux on peut se faire un truc ensemble ? »
C’ en était trop pour Alex. Il venait de se lever pour rien, et rien que d’y penser, sa figure vira au rouge, portée par une déformation due à la colère. Il fit donc demi-tour, et n’étant pas loin de chez lui, rentra très vite. Lorsqu’il franchit sa porte d’entrée, ses parents lui posèrent toutes sortes de questions, l’obligeant à expliquer ce qui venait de se passer. Derrière, en bruit de fond, la télé diffusait les informations du jour. C’est alors qu’Alex et ses parents furent interpelés :
Attention Flash Spécial ! Affichait le moniteur.
Aujourd’hui la disparition mystérieuse de Wilson MacSobel, glorieux combattant ayant capturé de nombreux avant-postes durant la seconde guerre-mondiale, interpelle les policiers. En effet Wilson aurait subitement disparu sans laisser de trace dans la matinée, selon son voisinage. Ceux-ci auraient entendu un cri strident avant de se précipiter dans sa maison, pour y découvrir un trou béant dans le sol, dont les spécialistes n’arrivent toujours pas à estimer la profondeur. Pour l’instant la thèse de l’enlèvement n’est toujours pas écartée, mais cette histoire déchaine les férus de Science-Fiction qui livrent chacun des hypothèses toutes plus folles les unes que les autres… Affaire à suivre donc.

Alexandre, tout comme ses parents, resta perplexe, face à l’image « du trou béant », qui semblait s’étirer jusqu’au cœur de la Terre. Que penser de cette histoire ? se demanda-t-il. Car même s’il est difficile de croire aux » histoires à dormir debout », ce trou et cette disparition le faisaient réfléchir. Ses parents, qui eux aussi semblaient en pleine réflexion, décidèrent ensuite de retourner à leurs occupations sans faire de commentaires sur cette histoire. Suis-je donc le seul à me demander ce qui est arrivé à ce pauvre homme ? se demanda-t-il. Alex étant très curieux de nature, se précipita donc ensuite sur son ordinateur, de façon à récolter le plus d’informations possibles sur cette histoire. Après quelques heures de recherche, il découvrit avec stupeur, que cet évènement avait eu lieu dans sa ville, non loin de chez lui. Il décida donc d’aller voir de plus près cet énorme trou, qu’il avait désormais appelé « Bouche du diable ».

***

C’est un rayon de soleil brûlant qui réveilla Wilson. Celui-ci, dont les membres étaient totalement endoloris, se leva avec difficulté, avant d’être frappé par le décor qui l’entourait. Mais où suis-je ? C’est quoi ce bordel ? Tout autour de lui, une plage de sable blanc s’étendait à perte de vue, bordée par une mer turquoise, comme celles des paradis inaccessibles présentées dans les agences de tourisme. Wilson leva ensuite la tête et découvrit qu’il était sous un cocotier, semblable à la centaine d’autres qui l’entourait. La chaleur était accablante, et les vêtements d’hiver de Wilson lui collaient à la peau, du fait qu’il suait beaucoup. L’ancien combattant était abasourdit. Suis-je mort ? Est-ce le paradis dont tous les Chrétiens parlent ? Peut-être que c’est cette chose qui m’a tué…Il ne savait plus quoi penser… Mais bientôt un grand fracas le tira de ses songes. Immédiatement et par réflexe Wilson se jeta par terre, s’enlevant d’en dessous de l’arbre. Il vit ainsi deux noix de coco tomber violemment, accompagnées d’une branche de bois dense, qui s’écrasa sur sa jambe. C’est à se moment là qu’il comprit qu’il n’était pas au paradis, car la douleur qu’il venait de ressentir était si forte, qu’elle lui arracha un cri presque aussi fort, que lorsqu’il était poursuivi par « la chose ». Bientôt, toutes les noix de coco tombèrent simultanément, et c’est alors que Wilson comprit qu’un tremblement de terre avait lieu. Il se mit donc immédiatement en position fœtus les mains sur la tête, en priant… En priant sa bonne étoile comme il aimait dire. Une fois la secousse terminée, Wilson se leva pour admirer le paysage idyllique dans lequel il s’était réveillé, désormais transformé en vaste champs de bois et de noix de coco. Contrairement à ce qu’il aurait put croire, cette situation ne le stressa pas. Au contraire elle lui tira un sourire en coin. Mais dans quel merdier suis-je encore tombé !

***

Tout est trouble ! Et puis cette lumière aveuglante ! Où suis-je ? La première chose qui frappa Alex fut cette chaleur accablante. Je ne me rappelle presque rien… Juste qu’une fois devant ce trou… Que s’est-il passé d’ailleurs une fois devant ce trou ? Alex était perdu. Tant dans ses pensées que pour l’endroit dans lequel il se trouvait. Une plage ? Des cocotiers ? Mais comment suis-je arrivé là moi ?
La méditation d’Alex fut interrompue lorsqu’il aperçut au loin, une ombre, qui avait l’air humaine. Alex se précipita directement vers elle, puis vit soudain le ciel bleu, avant de voir le sable de très près. Il venait de trébucher sur une noix de coco, chutant ainsi lourdement. Cet interlude ne le découragea pas. Il vit ensuite que la plage était remplie de noix. Visiblement cet endroit avait connu une espèce de tempête. Alex se remit ensuite à
courir en prenant soin de bien éviter tous les obstacles qui se dressaient devant lui. Petit à petit il discerna clairement la silhouette d’un homme, assez musclé, et de taille moyenne. Une fois non loin de lui, Alex décida de se cacher derrière un cocotier de façon à ne pas se faire repérer. Je suis peut être sur une île secrète Américaine. Mais un craquement trahit le jeune garçon. Aussitôt « l’Homme » se retourna, et posa son regard sur Alex. Celui-ci, pétrifié de peur, entreprit de s’enfuir. Mais la vélocité de l’inconnue dépassait la sienne, et bientôt Alex s’écroula, plaqué au sol par son assaillant.
- Ne me tuez pas ! Je suis innocent ! Je ne sais pas comment je suis arrivé là !
cria aussitôt Alex.
Le mystérieux inconnu se releva, et en fixant le garçon dit :
- Je m’appelle Wilson. Je ne te veux aucun mal, car je suis moi aussi arrivé ici par je ne sais quel moyen
- Wilson ? L’ancien combattant qui a mystérieusement disparu ?
- Mystérieusement disparu ?
- Toutes les télés en parlent en ce moment. Votre maison abrite désormais un trou béant, dont les plus grands spécialistes ne connaissent ni la cause, ni la profondeur .
Le visage de Wilson changea subitement, comme si l’on venait de lui annoncer sa propre mort :
- Il m’arrive tellement de choses improbables en ce moment, que je me demande si je ne suis pas fou… D’ailleurs qu’est-ce qui me prouve que tu n’es pas « la chose » ? Hein dit le moi !
s’emballa Wilson.
-  Mais de quoi parlez vous ? Je ne suis ni une hallucination, ni une chose ! Je suis juste totalement paumé, et certainement bientôt mort de faim ou de soif ! Alors calmez-vous ! Ok ?
rétorqua aussitôt le jeune Homme.

Soudain un cliquetis interrompit leur dispute. Wilson qui reconnut de suite le bruit de « la chose » prit par le bras Alex, et commença à sprinter avec le jeune homme.
- Qu’est ce que c’est ? demanda Alex d’une voix chevrotante
- Contente toi de courir et tais toi !
Le bruit les suivait de près, et Wilson pouvait même affirmer qu’il se rapprochait. Tout à coup cette scène lui parut familière, et l’épisode de sa maison lui revint. Ho non pas ça ! Pas encore !
Mais bientôt Alex et Wilson stoppèrent leur course soudainement. Les deux hommes hébétés, ne dirent plus un mot, même le bruit qui résonnait de plus en plus fort derrière eux ne leur fit plus aucun effet. Le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux était tellement exceptionnel. En fait Wilson et Alex n’avançaient plus, car il n’y avait plus rien. Devant eux, la plage s’arrêtait brusquement, et derrière, le vide. Le vide total ! Le noir à perte de vue… Les deux hommes ne bougeaient plus, encore sous le choc. Leurs cerveaux avaient visiblement du mal à comprendre cet espèce de phénomène. C’est Wilson qui reprit le premier ses esprits :
- Oh ! mon dieu ! La vache ! Mais ne te retournes surtout pas petit ! « La chose » est trop dangereuse ! Il faut faire un choix maintenant !
- Comment ça ?
- Y a pas 36 solutions ! Soit on se fait tuer par ce truc, soit… Soit on saute !
- Mon choix est déjà tout vu. »
Aussitôt dit, le garçon recula de quelques pas, et dans une course folle, agrémentée d’un cri tel celui de Tarzan, le jeune homme sauta dans l’inconnu, bientôt suivit de l’amiral Wilson.

vendredi 24 juin 2011, par Juliette Mézenc

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